Newsletter n°6 - 2017 - Supplément

Elisabeth Valletti

Biographie

Elisabeth Valletti reçoit un 1er prix de harpe au Conservatoire National de Marseille à l'âge de 13 ans. Suite à une Bourse d'études aux USA, elle étudie l’harmonie, le contrepoint et la composition à la Berkeley University en Californie. Elle poursuivra avec des études d’ethnologie à l’université de Nanterre et de mise en scène à l’IDHEC à Paris. Elle se passionne pour la recherche sonore et fait fabriquer la première harpe électrique en 1986 par le facteur de harpes Camac, y ajoutant des machines à effets. Elisabeth présente ses compositions pour la harpe à Mémoire à Pierre Boulez. De 1983 à 1996, elle enseigne la harpe au Conservatoire Darius Milhaud à Paris dans le XIVème.

Elle collabore à de nombreux projets jazz, rock, électronique, ethnique et à différents albums (Leonard Cohen, Hector Zazou, Lauryn Hill...). Elle fait des tournées au Japon, Europe, Israël, USA. Elisabeth Valletti écrit un album de commande solo « INNOCENTI » signé à Londres par Chris Blackwell (le producteur de Bob Marley) qui sort chez Universal.

Entre New York, Londres, Paris, elle écrit tous genres de musique pour des commandes (sites, défilé, documentaires, théâtre - uniquement avec des sons de harpe) et des projets personnels. Sa trilogie The ORFEO Project - 1 CD «ludique/pop underground », NY.Xperienced-SONGS et 2 CDS de classique contemporain, Classical Suites I and II : The String Theory et Stepping Into The Bardo (traitement en direct-live) - est présenté à Londres et à Paris.
Passionnée d’électronique, elle utilise aujourd’hui les derniers logiciels pour transformer les sons de harpe. Elle teste et écrit pour la harpe MIDI (Camac) à l’IRCAM. Elle présente ses pièces sur ce nouvel instrument, au théâtre du Trianon à Paris en avril 2011. Elle est lauréate du Prix Qwartz Internationnal / Catégorie musique expérimentale, avec l'album Works For the MIDI Harp en avril 2012. En résidence au GRM/Maison de Radio France à Paris, elle écrit son dernier projet « Sacrum'5 » qui sort chez Megadisc Classics en 2015.

INTERVIEW

Interview réalisée par mail par Hélène Breschand. Juin 2017

LSDA : Dans quelle musique avez-vous baigné enfant, ado ? Quelles sont vos influences ou les musiques/œuvres qui vous touchent, vous portent ?

Elisabeth Valletti : J’ai reçu une éducation classique au Conservatoire National de Marseille. Maman est harpiste à l'orchestre de la Radio et de l'Opéra. Après avoir commencé le piano à 3 ans, j’entre à 6 ans, au Conservatoire. Je dois choisir entre le piano ou la harpe. Je choisis la Harpe. Je baigne dans l'histoire de la Musique, les grands Maîtres, concerts classiques, auditions, ampoules et poupées pansements à la veille des examens, classe d'orchestre. J’obtiens mon prix de harpe et solfège à 13 ans. Une question se pose : dois-je entrer au National à Paris ? Mon père refuse. Je dois d'abord finir le lycée. A l'époque il n'y a pas de lycée à double cursus. Je le remercie aujourd'hui de sa décision. Adolescente, je reçois une Bourse d’Etudes Académiques d'un an pour les USA. A New York, je prépare l’entrée à la Julliard, préparation que j'abandonne pour me consacrer aux Etudes Académiques. A cette époque, je rencontre "Ulysse" de James Joyce et croise les musiques contemporaines du moment : John Cage, Luciano Berio, Gyögy Ligeti et aussi La Monte Young, Terry Riley, Steve Reich, Philip Glass. Je suis des cours composition/harmonie/contrepoint à l'Université de Berkeley en Californie. Je me passionne pour les travaux de Karlheinz Stockhausen qui unissent intellect, onirisme, et une puissante spiritualité. La force inventive d’Edgar Varese me captive et m'émerveille.
Puis je rencontre la pop : Bob Dylan, Leonard Cohen, David Bowie, Les Rolling Stones. Jimmy Hendrix envoûte. Je veux faire la même chose avec la harpe. Je bascule - "Quand avez-vous "basculé" dans la musique populaire ? m'a demandé un jour un journaliste de musique classique qui ne savait pas comment aborder ce qui, à l'époque de l'interview, était immédiatement passible d'excommunication !!."
Je joue ensuite dans des groupes rock, blues, ethniques (harpe celtique avec Micro Barcus Berry collé sur la caisse - ou/et basse électrique), duo/trio avec percussions indiennes, africaines, avec Kora, instruments à vents de différentes cultures.
Puis se produit un croisement avec le jazz : John Coltrane fascine. Art Ensemble de Chicago, Cecil Taylor. J'infuse. Avec la harpe de concert, je joue avec des jeunes Jazzmen. C'est l'époque du Free jazz. Je suis paralysée pour ma première répétition. Les structures classiques collent aux doigts et aux neurones. Certains garçons ont quelques mois de pratique de leur instrument et une facilité à se lâcher subjuguante pour ma formation stricte d'instrumentiste classique. Au fur et à mesure je me décoince. Je développe l’utilisation d'objets pour triturer, extirper des sons : clef de harpe, archet, drumstick, bijou, etc...
Le Be-Bop et Charlie Parker ne m'attirent pas : C’est pour moi bien trop complexe pour la harpe avec les suites harmoniques/les pédales qui empêchent le lâcher-prise nécessaire à l'apprentissage de l'improvisation. Le free jazz est un jeu, une joie de l'enfant qui joue avec un outil qu'il maitrise alliée à une libération neuronale.
Avec l’improvisation jazz, la structure mentale évolue, le cerveau est de plus en plus ouvert aux souffles. L’improvisation devient alors un art de vivre.
Les ingénieurs du son s'arrachent les cheveux pendant les balances et enregistrements en formation harpe/batteur/sax/band Je ne m'entends jamais dès que je suis sonorisée (effet larsen direct). Je demande à Joël Garnier (PDG des Harpes Camac) de me fabriquer une harpe de concert électrique (jusque-là Alan Stivell avait fait faire une harpe celtique électrique). Je suis ravie du son puissant de l'instrument amplifié, de l'utilisation des pédales FX. Plus tard, je ferai fabriquer une harpe sans caisse (la solid-body) avec 4 sorties qui permettent d'équaliser aigu, medium, bass+général.
Je découvre Franck Zappa qui me ravit. Le flux de Keith Jarrett m'attire. Cela inspire un travail sérieux sur les structures/formes/rythmes, qui élargit l'ouverture à l'improvisation.
Dans les années 1980, j’écris des exercices de toutes sortes que je joue au fur et à mesure des concerts de tout genre. Je donne beaucoup de concerts dans les églises dans lesquels je mêle pièces classiques, des pièces que j'ai écrites et de l'improvisation "soft". J'expérimente. Je démarre un morceau en posant des pédales "au hasard". Je plaque un accord ou quelque autre arpège d'introduction. Je me laisse diriger par le son. Je profite du système modal de l'instrument pour développer l'écoute sensible profonde de l'instant (cf: Coltrane, le modal et son amour de la harpe). Selon les configurations des concerts, je suis plutôt "Debussyste" ou "CecilTayloriste" ! J'apprivoise la non-peur musicale en improvisation live et une sensation de liberté se déploie.
Dans les années 1990, c'est le sortie de l’album New age/World "Innocenti" aux éditions Londres Blue Montain Music, avec le producteur de Bob Marley.
Je me retrouve à Londres ou plutôt en « Jamaïque à Nottin Hill Gate, London » ! J’y travaille en studio pendant trois ans non-stop avec un producteur reggae. J'apprends, je découvre des outils informatiques pour musique alors que je n'ai jamais touché un ordinateur - entre autre, le logiciel Logic Audio, nouvel outil addictif. Les éditions m'envoient à New York. Les projets s'enchainent : a Rap-oper-harp, chansons, musiques "méditatives".
Mais les événements du 11 septembre gèlent tout. De retour à Paris, je travaille beaucoup (Projet Orfeo, The String Theory notamment). Je croise les musiques électroniques underground du moment. Je teste le "Travel Light" = jouer partout dans des configurations musiques expérimentales undergroud en emportant un ordinateur + Live Ableton, en utilisant uniquement des sons de harpes que j'ai traités et mis dans des banques de sons. Je fais de l’impro live, c'est ludique, léger.
Tous mes travaux sont issus/découlent de ces différentes traversées.

LSDA : Vous jouez maintenant uniquement la harpe MIDI et il me semble que vous êtes la seule ?

EV : La harpe MIDI Camac arrive en 2010. Jakez François me demande de la tester parce que je maitrise la harpe électrique+FX depuis trois décennies ainsi que l'informatique/musique par ordinateur. Pendant quatre ans je plonge dans l'univers sonore inouï que me fait découvrir cet instrument. La MIDI est en résidence à l'Ircam et je me greffe à elle. Puis je suis en résidence avec la MIDI au GRM. J'écris un album de commande "Sacrum'5" que je joue/j'enregistre avec la MIDI sans ingénieur du son ou assistant manipulation.
Mes connaissances des musiques contemporaines savantes datent de plusieurs décennies. J'arrive dans cet univers sans références universitaires. Cela permet une totale liberté. Mais ça n'est pas forcément très bien reçu - " trop d'harmonie ici / pas assez de concrète là / le mélange n'est pas heureux / Live Ableton c'est pour les DJ / le MIDI est obsolète / utilisation de sons numérisés à la place de vrais instruments = sacrilège ". Comme pour chaque nouvelle expérience, j'aborde ce nouvel outil avec l'esprit neuf. Le seul impératif est d'aller le plus loin possible dans la découverte de ce nouvel instrument - à ma manière - "en faisant de mon mieux" (devise de ma famille).
Ce fut extrêmement excitant. Je me suis retrouvée seule au seuil d'une jungle sonore dans laquelle je m'enfonçais de jour en jour, proche de l'état amoureux, j'y pensais sans arrêt ! Je dormais peu. Puis comme pour tout projet créatif, afin de présenter des "pièces mesurées dans le temps et l'espace", il y a eu la phase des choix, de la structuration, de l'élagage. Aujourd'hui, les deux seuls prototypes de la MIDI sont in-opérationnels en raison de problèmes techniques. Je n'ai donc pas pu accepter les propositions de concerts - à part le Trianon et France Musique (cf. Youtube).
Le projet MIDI fait partie de mon passé. J'ai remercié Jakez François pour sa MIDI grâce à laquelle j'ai vécu une expérience exaltante. Je suis passée à autre chose - quitte à y revenir si une nouvelle MIDI réapparaît. Je n'ai jamais abandonné les autres harpes = électriques/acoustiques. Je suis retournée avec joie sur l'acoustique/électrique pour un projet plus conventionnel sur lequel je travaille en ce moment.
A ma connaissance deux autres musiciens, compositeurs ont travaillé avec la MIDI : Arnaud Roy et Graham Fitkin et ont fait des travaux très intéressants

LSDA : Vous pilotez la harpe MIDI depuis MAX MSP ? Pouvez-vous nous expliquer votre installation techniquement ?

EV : Il est vraiment difficile de détailler ce que j'ai mis de long mois à élaborer et qui a évolué en permanence. J'ai utilisé ProTools, Live ABleton/Max et tous autres plug-ins (Waves et outils du GRM). Je n'ai jamais utilisé la MIDI ou Live Ableton comme Looper. J'ai échantillonné les sons que je voulais utiliser à partir de sons de harpe acoustiques/électriques que j'avais traités entre 1980 et 2010. J'ai installé ces échantillons/samples dans les banques sons du logiciel Kontakt.
"The Volatile and Granular Exercices" sont uniquement fait avec des sons de harpe triturés. Pour l'album de commande "Sacrum'5", j'ai eu envie de traiter des instruments acoustiques. Je n'avais pas les moyens de faire enregistrer des musiciens. J'ai donc fait le choix hérétique d'utiliser des sons d'instruments acoustiques numérisés en plus de mes propres sons (tous les sons percussifs ou concrets ont pour base des sons de harpe). Je me suis donc servi du MIDI pour jouer, entre autre, du violon avec la harpe. Je dois dire que ce fut jouissif. Le but n'étant pas de jouer comme un vrai violon mais d'avancer dans des terres sonores différentes, étranges. De plus, ce choix correspondait à ce qui m'avait été demandé : aller le plus loin possible dans l'utilisation de la MIDI.
Avant l'écriture des pièces proprement dite, il y a eu un laborieux travail de préparation et programmation. Comme je ne pouvais pas travailler avec un assistant, j'ai dû trouver un moyen de me débrouiller seule. J'ai utilisé un pédalier MIDI "Soft Step" avec certaines cordes de la MIDI pour déclencher les effets MIDI et leurs évolutions : changements de sons, de rythmes, des modulations de paramètres = enveloppe, spatialisation, phase, pitch shift, etc... en temps réel. Si je déclenche un paramètre au moment inexact par choix ou par erreur, - ou si la MIDI bugue - l'aléatoire s'introduit dans le processus de composition. Les pièces ne sont pas figées et se recréent à chaque interprétation. Je suis à la fois compositeur, manipulateur technique, interprète. C’est acrobatique mais extrêmement libératoire.


LSDA : Vous avez également un micro pour la voix et les claquements de mains, qui sont également transformés en temps réel.

EV : Concernant la voix et les claquements de main dans NYxperienced Songs, je pilote avec un pedal board Digitech lié au hardware "Digitech 2101" dont je me sers depuis l'achat de cet outil en 1995 - et qui me sert aussi de Looper. La harpe électrique est la seule utilisée pour ce projet.

LSDA : J'aime beaucoup Orfeo, qui sort des cadres, et intègre plusieurs styles. Vous avez des projets très différents comme avec le rap ou Innoccenti, très beau aussi. Pouvez-vous expliquer l'interaction entre les différents projets ? Est-ce le hasard des rencontres ? Des envies liées à la technique, à de nouvelles technicités ?

EV : Ce sont des rencontres extérieures ou intérieures selon les moments de vie. Ce sont des envies, des désirs de sons nouveaux, des hors cadres, l'"amour des machines", de la technologie. C’est un besoin de découverte, de défi envers soi-même, de désir profond. Peut-être aussi, au départ, est-ce l’envie de décoiffer la symbolique "angélique" de l'instrument - insolence adolescente persistante ?
J’ai un tempérament nomade. Parfois les projets musiques font écho aux traversées émotionnelles - banales thérapies musicales. Parfois le désir de "fabriquer" est dominant. Mon éducation stricte mais très ouverte permet une liberté illimitée. Ce sont des rêves de nuit dont on se réveille avec une empreinte puissante qui provoque des décisions d'actions. J’ai souvent la sensation d'être poussée par le vent.

LSDA : quel a été le chemin entre votre rêve et pratique d'enfant/ado de la harpe classique, et l'utilisation rock et débridée de la harpe MIDI ? Comment se sont fait les choix ?

EV : Je n'ai pas l'impression d'avoir choisi/décidé d'être musicienne "à vie". Enfant, j'ai appris à lire /écrire la musique comme j'apprenais l'écrit/lecture de la langue. Je n’avais pas de rêve particulier concernant la musique. Tout était normal. Nous n'avions pas de télévision, téléphone, réseaux sociaux. J'ai fait des études de cinéma/éthnologie/théologie. Entre autre je voulais aller filmer les musiques/les rituels chamaniques des tribus du monde. Je n'ai pas non plus l'impression d'avoir choisi de passer du classique au "débridement". Ça s'est fait au fil de la vie, des expériences, des rencontres, des attirances, des plaisirs, des amours, des défis personnels. J'ai besoin d'apprendre, de découvrir, de tester, de me tester, d'aller au bout des expériences. Les chemins m'ont toujours ramené vers la harpe. La musique m'a toujours rattrapée, c’est une grande chance !

LSDA : Comment est venue l'utilisation de la voix ? Que représentent le chant et la voix pour vous ? Par rapport à la harpe, était-ce logique ? évident ? naturel ?

EV : A l’adolescence, on m'offre une guitare. Je découvre - avec toutes les études classiques, je n'avais pas appris cela - que je peux fabriquer une chanson avec trois accords et que les mélodies se font toutes seules (pas de jugement quant à leur qualité). Je chante alors par jeu et par plaisir. Je n'aime pas ma voix. Je ne suis pas chanteuse mais les chants accompagnés à la harpe, simples, tribaux, ethniques ont toujours fait du bien au corps et à l'âme. Naturel, évident donc.
Dans les années jazz, je m'amuse à la voix+harpe impro. J'aimais beaucoup Annick Nozati et Tamia.


CD Innocenti, Universal London, 2009
Photo: Adrian Boot

LSDA : Quel est votre rapport à l'image ? Vous avez fait de la musique de film et aussi des courts métrages : pensez-vous la musique en même temps que l'image ?

EV : C'est le flow du moment ! Ca dépend si c'est une commande ou un projet personnel. Parfois l'image est là et la musique vient s'y greffer. Parfois c'est le contraire. Ou les deux en même temps. Rien n'est figé !

LSDA : Chaque projet est un thème très engagé, ce sont à chaque fois des univers : comment naissent-ils ?
Est-ce important pour vous de choisir des thèmes ? Pouvez-vous nous parler du processus qui va de la naissance d'un sujet à la réalisation d'un projet ?


EV : Les rencontres littéraires, scientifiques, visuelles, sonores, amoureuses peuvent être des déclencheurs. Si je suis attirée par un sujet un système poétique/imaginaire enfantin s'empare de moi. Beaucoup de sujets m'intéressent d’ailleurs : de la spiritualité la plus ancienne aux merveilleuses découvertes scientifiques d'aujourd'hui. Une rencontre, un regard, un son, une lecture, un documentaire, un instant hors temps. Tout peut être inspirant, dépendant de l'état intérieur de l’instant.
Je travaille de manière anarchique. J'alterne des phases de travail intense et des pauses contemplatives. Dans l'écriture, de nombreux exercices sont des plongées abstraites dans le son. Certains exercices deviennent la matière brute d'un projet construit. Quand un projet s'élabore, un instant d'inspiration peut devenir un titre, une phrase qui accompagne la pièce.
Pour une commande, il peut y avoir la nécessité d'un sujet-concept. Par exemple, pour l'album "Sacrum'5" avec la MIDI, c'était au départ un projet de ballet / livret libre. Il était nécessaire de trouver un sujet. Je faisais un stage de Qi Gong Interne sur le sacrum. En fin de stage, j'ai su que le sacrum allait être le sujet de l'album.

LSDA : Comment composez-vous ? Ecrivez-vous des partitions ? ou sous forme de partitions graphiques ? de proses ?

EV : J'ai écrit nombre de partitions pour la harpe acoustique/électrique surtout pour la Sacem. Mais ce sont des exercices, non partageables.
J'ai des piles de notes pour les travaux avec la MIDI que j'aurais pu organiser en partition. Mais la harpe MIDI n'est plus là. Je n'ai pas le temps d'accomplir cette tâche aujourd'hui. Je suis en train d'écrire un "Sacrum'5 Unplugged" pour instruments acoustiques. L'écriture est conventionnelle avec quelques graphismes simples.
Je ne me suis jamais imaginé "compositeur". L'empreinte de l'éducation classique et le respect des "Maîtres" sont bien trop présents. Je me suis pensée artisan/fabricateur/un peu chercheur/musicien. Aujourd'hui, j'ai accepté le mot "compositeur". Ce mot - suite au glissement sémantique généralisé du moment - n'a plus le sens que je lui donnais auparavant. Le seul fil conducteur de mes travaux est l'instrument harpe.
Je n'ai pas de profonde réflexion argumentée sur mon travail. Considérant la dispersion des genres de mon chemin musical, je ne propose aucun langage musical personnel. Mon travail peut être défini comme incohérent, sans enjeu compositionnel spécifique, basé sur l'émotion/l'imagination plutôt que sous-tendu par une pensée analytique précise. L'intuition, l'attraction, la joie me sont des paramètres nécessaires. Typique processus créatif féminin, m'a-t-on dit ! Sans commentaire. Parfois pourtant, comme dans "Sacrum'5", quelques réflexions/préparations mathématiques peuvent émailler le travail. Par exemple, les "frises mouvantes géométriquement calculées" pour le développement des paramètres des effets. Peut-être ma légère part masculine.
Me revient la phrase d’Edgar Varèse : "L'art ne prend pas naissance dans la raison... le dernier mot est imagination." Et celle d'Alain : "Toute pensée commence par un poème."

LSDA : Transmettez-vous votre musique ? Vos partitions ?

EV : Je ne suis pas contre la transmission mais je n'ai pas le sentiment que mon travail puisse être intéressant pour des harpistes. Peut-être n'est-ce pas le moment...

LSDA : Enseignez-vous ? La harpe MIDI ?

EV : J'ai enseigné avec joie pendant quinze ans au conservatoire du XIVème à Paris. Aujourd'hui, je donne quelques cours privés.
Je ne suis pas sure que la MIDI puisse s'enseigner. Il est utile d'être harpiste et de manipuler les outils informatiques. Je vous ai expliqué comment j'ai utilisé les outils que j'avais choisis. Mais il y a certainement d'autres moyens d'aborder cet instrument. Tout reste ouvert à la recherche personnelle. Les deux autres personnes qui ont utilisé l'instrument - Arnaud Roy et Graham Fitkin - ont eu une approche différente de la mienne.

LSDA : Comment voyez-vous l'évolution de la harpe MIDI ?

EV : Il y a beaucoup de questions au sujet du protocole MIDI - qui n'est pas/plus très bien perçu dans les milieux des musiques savantes - "Et pourquoi pas le clavier MIDI ? Pourquoi la harpe ? Qu'est-ce que cela ajoute ? Est-ce bien nécessaire ? N'est-ce pas juste un "gadget" ?... de toutes façons MIDI obsolète, ou réservé à la pop...". En bref je réponds que le jeu harpistique offre autre chose qu'un jeu pianistique. Quand la harpe est votre instrument c'est tout à fait réjouissant de découvrir un nouvel outil qui vous fait pénétrer dans des mondes sonores inimaginables avec une harpe acoustique/électrique - ou un clavier MIDI.

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