Le fil n°11 / Dossier La harpe à leviers


La harpe à leviers

par Laurence Bancaud

La harpe à leviers, en France, est connue couramment sous ces deux visages : la « harpe celtique » jouée en Bretagne et dans les pays celtes, et l’instrument sur lequel les enfants débutent au conservatoire, avant de « passer à la grande harpe ». On sait moins qu’elle s’est parfaitement intégrée dans la musique de création, dans le paysage de la musique contemporaine et expérimentale, et qu’elle a tout un répertoire.

> Historique
> Lutherie
> Enseignement
> Répertoire
> Créations du XXIè siècle
> Expérimentations
> Et pour continuer...
> Contact

Ce dossier peut être également téléchargé en version pdf (sans les illustrations): Le fil n°11 - La harpe à leviers.pdf


Historique

Sur le continent européen la harpe a évolué au cours des siècles vers la harpe à pédales, et la « petite harpe » a été progressivement abandonnée pendant 400 ans jusqu’aux années 50 où les Bretons ont voulu adopter les instruments irlandais, dont la harpe irlandaise. Contrairement aux idées reçues, il n’y avait donc pas de harpe dans la musique bretonne avant Alan Stivell ! La « renaissance de la harpe celtique » est liée aux personnalités de  Denise Mégevand et Alan Stivell.


Denise Mégevand (1917-2004), pionnière

Denise Mégevand était élève de Lily Laskine ; celle-ci lui prête un jour sa harpe irlandaise. Coup de foudre et révélation pour celle qui deviendra la pionnière de la harpe celtique dans les années 50.

 « La musique pour harpe n’était pas palpitante, en dehors de quatre ou cinq oeuvres comme l’Impromptu de Roussel. Je n’avais pas envie de jouer toujours ces mêmes œuvres, c’est pourquoi je me suis mise à « sauter sur un compositeur » dès que je le voyais ! Mon but était de jouer un répertoire nouveau et intéressant. Je n’avais pas envie de « ronronner » jusqu’à la fin de ma vie. J’ai choisi la harpe celtique parce que j’en avais assez des pédales ! » (citée dans le Bulletin AIH n°43)

Elle se spécialise donc dans la harpe celtique, et à cette époque où de nombreux bretons cherchent un professeur de harpe celtique, elle fut la première à l’enseigner. Parmi ses illustres élèves, citons Alan Stivell et Kristen Noguès pour lesquels elle constitue tout un répertoire d’exercices et thèmes bretons. Elle publie la première méthode  :  Apprendre et jouer la harpe celtique (Heugel 1970), des arrangements de musique ancienne et d’airs bretons, des compositions. Elle est aussi à l’origine du choix d’appellation « harpe celtique ».

Dans le sillage de Denise Mégevand, la transmission sera assurée grâce au développement de nombreuses classes de harpe celtique dans les conservatoires dès les années 1970.

Productrice à Radio-France, elle anime des émissions sur France Musique et France Culture, et n’a de cesse de promouvoir son instrument et son répertoire. La musique contemporaine prend peu à peu le pas sur la musique celtique, et Denise Mégevand passe de nombreuses commandes à des compositeurs à partir des années 70, notamment grâce au service des commandes de Radio-France.

Toujours dans un souci de transmission, elle est très active dans le domaine de l’édition : directrice de la collection « La harpe » chez Billaudot (reprise ensuite par Anne Ricquebourg) elle édite beaucoup de compositeurs contemporains : Jean-Yves Bosseur, Piotr Moss, Alain Weber, Dia Succari, Christophe Looten, Fabien Lévy, Jean-Michel Damase etc.

Denise Mégevand est commanditaire et interprète de nombreuses œuvres, solos et musiques pour harpe et ensembles, notamment harpe et guitare, ou trio harpe, guitare et mandoline, ainsi que des oeuvres pour harpe et électroacoustique. Parmi sa nombreuse production, citons :

  • Charles Chaynes, Lyre (1980)
  • Patrice Sciortino, Astralité (1974)
  • Guy Reibel, Alliages pour harpe et électroacoustique (1978)
  • Jean-Claude Risset, Luraï pour harpe à leviers et bande (1990)

Enregistrement de Luraï par Denise Mégevand :
https://youtu.be/ChbUTAvpAH0

Jean-Claude Risset :
« Denise Mégevand m’a montré les divers modes de jeu qu’elle avait catalogués : elle en a développé elle-même un bon nombre, donnant lieu à des timbres intéressants et expressifs. Elle m’a communiqué son catalogue, un document précieux : une cassette, sur laquelle elle avait enregistré ces modes de jeu, accompagnée de descriptions et de propositions de notations » (cité dans le Bulletin de l’AIH n°43)

[Notons qu’Alice Belugou a joué Luraï pour un symposium sur JC Risset en 2019, et l'a enregistré pour son CD/DVD Histoires Hybrides qui doit sortir prochainement.]

  • Philippe Leroux, Histoires de pas, Histoire furtive, Histoire filante (1990), Ial (1995) 

Enregistrement de Ial par Christophe Saunière et Caroline Delume: https://youtu.be/jS3uhaLdN20

  • Diego Losa Ciudad, Chronique d’un voyage inachevé, harpe et bande (2000)

Notons que Denise Mégevand sollicita particulièrement les compositrices :

  • Graciane Finzi, Interactions pour harpe et guitare (1983)
  • Adrienne Clostre, Brother Blue (1979) pour harpe et percussions, Le chant de Glorfindel (1990)
  • Ginette Keller, Vibrations (1990)
  • Thérèse Brenet, Suite fantasque (1982, Madrépores (1987, Le tambour des dunes pour harpe, guitare et mandoline (1984), Les chants du sommeil et de la mort pour harpe, violon et alto (1984), Aréthuse pour flûte en sol et harpe, Vibrations pour harpe et orchestre à cordes (1983), et autres…

Thérèse Brenet :
« Les années de collaboration avec la harpiste Denise Mégevand ont été parmi les plus fécondes de ma vie. J’ai été intriguée et séduite dès le premier coup de téléphone que j’ai reçu de cette grande artiste si chaleureuse et éprise de son art au point de chercher à le renouveler par tous les moyens possibles. »
Enregistrement de Suite Fantasque, par Sabine Chefson : https://youtu.be/pM9lxdAJ_kU
Enregistrement de Vibrations, par Sabine Chefson et l’Ensemble Orchestral Stringendo : https://youtu.be/CCopE9TGY9M

  • Pascale Criton, Entre-deux, l’éternité (1995) pour harpe à leviers, guitare et bande

Enregistrement par Denise Mégevand et Marie-Thérèse Ghirardi : https://youtu.be/WFkdI2lW4bQ

Bibliographie :

  • Dossier Denise Mégevand réalisé par Anne Ricquebourg et Sabine Chefson dans le Bulletin de l’AIH Printemps-été 2005, n°43.

  • Identité de la harpe celtique, Comité des Rencontres Internationales de Harpe Celtique/ADDM 22, 1994.

Des réflexions sur la naissance de la harpe celtique en France, son identité en Bretagne, son répertoire et son enseignement.

  • La harpe, instrument des Celtes, Mariannig Larc’hantec, Coop Breizh, 2013.

Sous-titré « Journal de bord d’un professeur de harpe celtique », ce livre témoigne des actions de Mariannig Larc’hantec en faveur de l’intégration de la harpe à leviers dans les conservatoires, et en même temps de son désir d’émanciper cet instrument de son image « celtique » - Préface de Jakez François.



Lutherie

Pour répondre à l'engouement suscité par le « renouveau de la harpe celtique » et répondre à la demande à partir des années 1970, les luthiers ont développé leurs gammes de harpes à leviers.

Plutôt que « harpe celtique », nous préférons généraliser la dénomination « harpe à leviers ». D’une part parce que le terme “celtique” cantonne cette harpe dans un domaine qui n’est que l’une de ses nombreuses facettes. Et d’autre part, nous avons choisi d’utiliser le terme de « levier » pour désigner la pièce qui, en position levée, vient appuyer contre la corde de la harpe pour la raccourcir et permettre ainsi d’obtenir les altérations en demi-ton. D’autres appellations comme « palettes », « manettes », « clapets », « taquets » ou « crochets » sont couramment utilisées mais celles-ci ne sont pas réellement exactes et peuvent désigner des pièces aux formes légèrement différentes permettant d’obtenir les demi-tons. Par exemple, un crochet est une pièce qui vient tirer sur la corde pour l’appuyer contre le sillet alors qu’une palette est une petite tige métallique plate.
En outre, une seule appellation désigne cette harpe en anglais : lever harp.

Les principaux luthiers et distributeurs de harpe proposent différents modèles de harpes à leviers (34 à 40 cordes), harpes bardiques (26 ou 27 cordes, sans cordes filées), montées en cordes nylon, boyau ou silkgut/Alliance. Camac offre une gamme de 17 modèles, Salvi 14, Lyon & Healy 4, Dusty 11.

De nombreux autres luthiers sont spécialisés dans les harpes à leviers.

On peut parler aussi de « petites » harpes car certains modèles ne comportent pas de leviers.



Enseignement

Dans le sillage de Denise Mégevand, de nombreuses classes se sont ouvertes à la harpe à leviers dans les conservatoires.

Etat des lieux en Bretagne, berceau de celle que l’on nomme « harpe celtique » :

Jakez François

« Je me rappelle avoir joué Lyre de Charles Chaynes pour mon prix de harpe celtique au Conservatoire de Nantes. Je crois que c'était la 1ère fois qu'il était possible de passer le Supérieur avec une harpe celtique dans un Conservatoire National de Région, ce que j'avais fait après mes études au Conservatoire de Boulogne. Évidemment, les choses ont bien changé mais à l'époque c'était une grande nouveauté. »

Nikolaz Cadoret

« Les classes de harpe à leviers en Bretagne sont souvent rattachées aux départements musiques traditionnelles, mais souvent plus par compétence ou souhait des profs que par « obligation ».

A Brest - à partir du 2e Cycle on propose aux élèves de choisir une dominante, classique, trad, MAA, Jazz etc. L’idée n’est pas de cloisonner les esthétiques, mais de ne pas maintenir les élèves harpistes dans une situation où ils se coupent des pratiques collectives en poursuivant dans une catégorie « indifférenciée » sur harpe à leviers. En effet, à partir du 2e Cycle, le répertoire classique se ferme progressivement pour les harpes à leviers, notamment en musique de chambre, et rapidement ces élèves se retrouvent à jouer seuls des transcriptions classiques (plus ou moins heureuses) et à faire un peu de tout sans vraiment approfondir un répertoire ou une pratique en particulier.

S’ils choisissent le classique, ils devront passer sur grande harpe et être majoritairement dans l’écrit, avec la FM et la musique de chambre qui vont avec. S’ils choisissent le trad, ils pratiquent majoritairement à l’oreille en s’inscrivant dans les pratiques collectives associées ainsi que dans les cours de cultures dédiés. Idem pour le Jazz ou les MAA etc. Ce choix peut-être temporaire et ne les freine pas dans leur progression dans le cycle.

En somme, il faut être à mon avis honnête vis à vis de l’instrument. La harpe à leviers ne permet pas de pousser très loin dans le répertoire classique. La situation est assez similaire à celle des accordéons diatoniques je crois. Si l’on veut poursuivre dans le répertoire écrit « classique », le chromatique est indispensable, idem pour la harpe à leviers. Mais rien n’empêche bien entendu de poursuivre un travail autour de l’écrit même si l’on est en trad ou en jazz, de la même façon que rien n’empêche de creuser l’oralité de façon ponctuelle quand on fait de la harpe à pédales. Le répertoire contemporain pour harpe celtique est en effet très intéressant et riche, mais il ne comble pas à lui seul l’incapacité de l’instrument à intégrer le monde culturel classique auquel est rattachée la musique contemporaine.

C’est donc avant tout une question de pédagogie et de pensée de la musique plus qu’une question de répertoire je pense, ainsi que la notion d’intégration de l’élève au sein du conservatoire et de ses pratiques avec les autres élèves musiciens.

Enfin, une troisième strate arrive par-dessus : l’histoire de la harpe celtique en Bretagne. Cet instrument commence seulement maintenant à être intégré dans les milieux de la musique traditionnelle (après de longues années « entre-deux », ni en classique, ni en trad, ni en jazz etc). Le corollaire est malheureusement parfois une fermeture relative à d’autres pratiques, tout en ouvrant le champ des pratiques collectives multi-instrument dès le second cycle.

Mais pourquoi ne pas demander aussi à des élèves en harpe classique de travailler ce répertoire contemporain sur harpe à leviers ? Finalement, seul l’instrument change, pas la culture sonore et pédagogique qui va avec ? »

Diplômes d’enseignement

Nikolaz Cadoret

« Il n’existe pas de DE ou de CA de harpe à leviers à proprement parler. Il existe donc trois solutions :

- Soit on se spécialise dans la musique traditionnelle dans son cursus d'études et on passe donc un DE de musique trad (possible en Pôle Sup) ou un CA de musique trad (que en candidat libre selon les sessions). C’est le cas de professeurs comme Hoëlla Barbedette ou Clotilde Trouillaud. Ce diplôme est davantage orienté culture musicale que technique instrumentale, même si les épreuves ont bien entendu une part de spécificité instrumentale. De même les concours d’entrée en Pôle Supérieur sont très orientés sur une connaissance de fond de la culture des musiques de transmission orale et sur une pratique collective (restitution d’un document sonore à l’instrument, travail en groupe avec mise en loge, commentaire d’écoute et analyse d’archives sonores etc). Le prérequis de culture et de pratique « ancrée » dans l’esthétique est très important et dépasse largement la simple maîtrise technique. Les jurys harpistes sont très minoritaires et les concours d’entrée toujours multi-instrument. Il s’agit donc de convaincre aussi bien les harpistes que les sonneurs ou les accordéonistes. La technique instrumentale est donc « secondaire » ou dans tous les cas subrogée à un respect du style.

- Soit (comme moi), on obtient un DE ou un CA en harpe classique mais on a un parcours dans le domaine des musiques traditionnelles qui permet d’enseigner la harpe à leviers au-delà de la dimension instrument d’étude.

- Soit (comme Alice Soria ou Cristelle Uccelli par exemple) on a un parcours classique et on approfondit la question de la musique traditionnelle ensuite, en se formant auprès des collègues des conservatoires ou dans le cadre de formations. Il y aussi la possibilité de passer par la suite le DE ou le CA de musiques traditionnelles (c’est le cas de Dominig Bouchaud), mais ce n’est pas obligatoire, et relève davantage d’un souhait personnel de formation.

Il faut en effet noter que les postes de harpe en conservatoire sont assez rarement (pour le moment) ciblés uniquement « musique traditionnelle », dans la mesure où la harpe à leviers reste un instrument « polyvalent » et relativement nouveau dans le champ des musiques traditionnelles, du moins en Bretagne. »

 



Répertoire

Tout un répertoire de pièces contemporaines, écrites spécifiquement pour la harpe à leviers, existe pour tous les niveaux, depuis les premières années de pratique de l’instrument. Ce répertoire s’est constitué principalement dans le cadre des conservatoires, grâce aux commandes passées par les professeurs de harpe bien souvent. Les Signes de l’arc et le Collegium21 ont également commandé plusieurs pièces depuis leur création.

Répertoire des Signes de l’arc

Classé en plusieurs catégories : Harpe à leviers, Harpe à leviers et extensions, Ensembles avec harpe à leviers.
http://www.lessignesdelarc.org/?page_id=16

Les vidéos des masterclasses organisées par Les signes de l’arc et le Collegium21 sont disponibles sur YouTube, sur le site web des Signes de l’arc et sur le site du Collegium21.
http://www.lessignesdelarc.org/?page_id=3128

Fédération Française de l’Enseignement Artistique

A la demande de la FFEA (Fédération Française de l’Enseignement Artistique), Véronique Musson-Gonneaud et Laurence Bancaud ont élaboré une banque de données de répertoire pour harpe à leviers du 1er cycle au DEM. Elles mettent à disposition leur travail.
Leurs propositions rendent compte de la diversité des possibles sur cet instrument. Les pièces sont classées en plusieurs catégories : Répertoires historiques, Traditionnel (Celte, Amérique Latine, Europe Centrale, Europe du Sud), Inspirations folk/pop/jazz/rock, Contemporain et Invention.

> Réservoir harpe à leviers
> Réservoir harpe à pédales




Créations du XXIè siècle

Sherbrooke, de François Rossé (2000) et Aquaclock, de Ivan Khaladji (2001)

Commandes de Isabelle Daups

> Sherbrooke, de François Rossé, éd. Tempéraments (2000) : https://youtu.be/oOH96cdr3Dw


Cliquer sur l'image pour voir un extrait plus grand.

> Aquaclock, de Ivan Khaladji (2001) : https://youtu.be/k7SCas2YpNo

Isabelle Daups :

« Dès ma jeunesse, après avoir commencé la harpe à pédales, j’ai continué à jouer de la petite harpe pour participer à un atelier renaissance puis je l’ai retrouvée au moment de la création du Triopolycordes. Je me suis aperçue qu’il y avait un répertoire pour le trio, en duo harpe et guitare et en duo avec flûte. J’ai enregistré un duo de Thérèse Brenet avec Ivane Béatrice Bellocq.
Nous avons décidé à l’époque avec le trio d’avoir à notre répertoire des pièces avec harpe à leviers donc c’est la raison de mon intérêt et de mes commandes qui se sont faites dans le cadre du festival Les rencontres contemporaines de la harpe. Il y a effectivement de nombreuses œuvres avec harpe à leviers de Thérèse Brenet (écrites pour Denise Mégevand). Nous les avons toutes déchiffrées je crois et nous avons fait un choix.  Nous jouions le Tambour des dunes, des duos avec guitare Interaction de Graciane Finzi, Ial de Philippe Leroux, Entre deux l’éternité de Pascale Criton avec bande, en trio il y a aussi Chemins croisées de Gilles Carré (1998). Dans les solos il y a ces deux œuvres de Rossé et de Khaladji que j’ai commandées.

J’ai consacré en 2001 une édition autour de la harpe celtique au sein de mon festival. A cette occasion j’avais invité Mirdhyn et c’est lui qui m’a conseillé l’achat d’une harpe LIVIA de chez Salvi. Je souhaitais avoir le toucher d’une grande harpe sur un petit modèle de harpe, petite harpe avec le son d’une grande mais qui permet d’autres couleurs, d’autres timbres et surtout des mélanges de gammes qui me plaisent. C’est avec cet instrument que je préfère improviser.

J’aimais son son au naturel. Et je l’aime toujours mais je précise avec des cordes boyaux ! Je me souviens que Brigitte Sylvestre était venue entendre le trio au festival et qu’elle avait dit « tu m’as fait aimer la harpe celtique » !!!!! »

http://isabelledaups.fr/

Nostalgia, de Karl Naegelen (2006)

Harpe et bande (harpe à pédales et harpe à leviers jouées par un seul harpiste)
Dédié à Andreï Tarkovski

Splitting 9, de Michael Maierhof (2006)

Cette pièce est une partition graphique, écrite pour harpe, indifféremment harpe à pédales ou harpe à leviers, mais elle a été créée sur harpe à leviers par Rhodri Davies.
Elle a été enregistrée récemment par Miriam Overlach :

Extinction, de Stéphane Borrel (2018)

Commande de Nathalie Cornevin

« Extinction est une pièce que j’ai commandée à Stéphane Borrel mais le type d’instrument n’était pas précisé dans le cahier des charges.
Je voulais une pièce courte en solo avec voix qui a pour sujet le règne animal. Stéphane est hanté pour ainsi dire par la disparition des espèces et la perte radicale de biodiversité que nous vivons. Extinction pourrait avoir un 2e volet rien qu’avec les espèces disparues depuis 2017, année du début du travail sur Extinction !
Après nous être rencontrés, nous avons fait des séances de prise de son d’une part sur harpe à leviers (harpe avec cordes silkgut) et d’autre part sur harpe à pédales à partir d’improvisations. J’aime le son de l’une et de l’autre. Stéphane a opté pour la harpe à leviers, après ré-écoute.
Finalement, je suis tout à fait contente du son de la harpe à leviers jouée avec des ciseaux et je trouve que la harpe à leviers peut avoir, dans l’image qu’elle renvoie, une fragilité qui correspond bien au sujet de l’œuvre. Cette vision est parfaitement subjective évidemment. »

Vidéo de Extinction par Nathalie Cornevin :

The wind could wait without the gate…, de Liao Lin-Ni, éd. Maison Ona (2020)

Commande du Collegium21 et des Signes de l’arc

Lin-Ni :
« L'instrument m'a immédiatement séduite grâce à sa petite taille, à son poids (10 kg) et ses cordes beaucoup moins tendues par rapport à la grande harpe. En plus, il n'y a pas de pédale à gérer ! Je peux composer des gammes/échelles différentes dans tous les sens, même répéter des mêmes notes (afin de sensibiliser l'écoute sur quelques notes spécifiques liées aux modes de jeu). »

Cliquer sur l'image pour voir un extrait plus grand

Lien vers l’éditeur de la partition : https://www.maison-ona.com/catalog-0165ONA
Tutoriel : https://youtu.be/tb5uvQ-43ds
Masterclasse de Lin-Ni : https://youtu.be/9ergZlRc-Js

Urban song, de Bastien David (2020)

Bastien David intègre la harpe à leviers dans sa pièce pour ensemble Urban song. L’interprète dispose de deux harpes, à leviers et à pédales, et passe de l’une à l’autre.

Urban Song par l’Ensemble InterContemporain :

Entretien

Vous utilisez les deux types de harpes - à pédales et à leviers - dans Urban song. Pourriez-vous me dire quelques mots sur votre choix ? Qu’avez-vous recherché dans cette utilisation de la harpe à leviers ? Est-ce sa sonorité spécifique qui vous intéressait ? Autre chose ?

La harpe à leviers est un très bel instrument à part entière, moins polyvalent quant au chromatisme mais riche par son timbre différent, sa densité sonore, sa puissance, une sorte de légèreté qui projette différemment. Cela me rappelle la relation que peuvent avoir l’accordéon et le bandonéon : le son et la technique ne sont pas les mêmes.
C’est aussi comme les familles d’arbres ou de plantes : dans une même variété il peut y avoir des caractéristiques, des floraisons, des résistances à la gelée différentes.
Dans mon écriture pour la harpe à leviers, j’ai réduit le nombre de notes qu’elle peut jouer en accordant différemment certaines cordes. On obtient alors une gamme plus clairsemée, chaque note ayant une couleur particulière, plusieurs cordes étant accordées sur la même hauteur. On obtient une auto-résonance par sympathie.

Comment vous est venue l'idée d'utiliser cette harpe au sein d'un ensemble, une démarche qui reste rare ?

J’ai utilisé également la harpe à leviers dans Nuées d’encre pour 19 instruments. J’ai travaillé avec Aurélie Saraf, j’accorde beaucoup d’importance au travail avec le musicien. Nous avons pu continuer d'expérimenter avec les harpistes Léo Doumène et Valéria Kafelnikov et pour cela nous avons cassé beaucoup de cordes !
Il y a un rapport au fantasme sonore important, il est nécessaire de le concrétiser en travaillant avec le musicien.
Enregistrement de Nuées d’encre : https://youtu.be/opCqEShbUtQ

Pensez-vous réutiliser cette harpe à l'avenir ?

Urban song fait partie d’un grand cycle, la suite est prévue pour l’ouverture du festival Présences en 2023. Dans Urban song l’harmonie avait un peu disparu au profit du timbre, avec une tension entre harmonie et inharmonie, nature et milieu urbain. On arrive dans un monde ténébreux avec Urban song ; la suite sera plus lumineuse ! La harpe à leviers sera très importante dans cette suite, je souhaite étendre mes recherches sur cet instrument, par exemple obtenir une gamme complète grâce à plusieurs harpes, ou travailler sur le microtonal.



Expérimentations

Très florissante dans le domaine de l’expérimentation, la harpe à leviers est l’instrument de prédilection de nombreux harpistes qui se l’approprient pour développer leur propre univers. Improvisation, recherches sonores, harpe préparée, utilisation d’objets, installations, performances, tout est possible !

Outre ses qualités propres (facture, harmonie, sonorité), elle séduit aussi, il faut bien le dire, par son accessibilité, sa maniabilité ; elle est meilleur marché et plus légère qu’une harpe à pédales, deux critères non négligeables !

Des artistes à retrouver dans nos précédentes newsletters :

Adaya Godlevski

Adaya Godlevski crée un univers mêlant performance, composition, mise en scène, théâtre, improvisation, collaborations artistiques diverses.

Article dans le Fil n°10 : http://www.lessignesdelarc.org/newsletter2021.html

Léa Roger

L’univers de Léa Roger mêle musique expérimentale et improvisée, musique traditionnelle, électro-acoustique et utilisation d’objets.

Article dans la newsletter n°9 : http://www.lessignesdelarc.org/newsletter2020.html

C de Trogoff

C de Trogoff explore la harpe préparée.

Article dans la newsletter n°7 : http://www.lessignesdelarc.org/newsletter2019.html

D’autres artistes à suivre :

Rhodri Davies

Rhodri Davies est une figure dans le domaine de l'expérimentation et de l’improvisation libre, principalement sur harpe à pédales, tout en approchant tous types de harpes, notamment la petite.

Vidéos de Rhodri improvisant sur sa petite harpe :
https://www.youtube.com/watch?v=uQw__Wya3hw
https://www.facebook.com/orphyvibes/videos/10159972164729410

Entretien

You are playing a small harp on this video. Do you play regularly small or lever harp ? For improvisation only ? or do you play pieces written for this instrument too ?

I often improvise on that small harp. It is a Telyn Teifi Dryw bach. It has 20 strings and no levers. Though I don't think they make it any more.
I improvise on the harp and the only 'composition' is that I tune into one of two different tunings and the idea is to over pluck the strings until the strings snap and then I am left with fewer and fewer strings. Which increases the challenge.

Do you like this instrument, and what for ?

I was keen to find the most stripped down version of the harp. Just the very basic components: triangle, soundboard and strings. no pedals no levers.
I also wanted the cheapest harp I could find to try and escape the notions of privilege that come with playing an expensive concert pedal harp. Not sure if it worked because I still have my other harps! :-)

Lever harp is often associated to folk music, celtic music ; do you think it's interesting to develop a contemporary repertoire ?

Yes every harp has its own unique flavour, possibilities, limitations and challenges.
I also play the electric Silhouette which is a lever harp and I play it with the experimental pop group Hen Ogledd.
The harp is so versatile be it lever, pedal or none at all and it is nice at last that I can be heard when playing the electric harp! :-)

Catriona McKay

Catriona McKay revisite la musique écossaise avec virtuosité et créativité, tout en faisant quelques détours vers l’expérimentation, notamment au sein de son duo harpe et électronique avec Alistair MacDonald : « Strange rainbow ».

Alistair MacDonald compose pour Catriona The Salutation for clarsach and electroacoustic sounds (2002).
Enregistrement avec visionnage de la partition :


La partition est disponible sur le site de Catriona : https://catrionamckay.sellfy.store/harp-tape/

Alistair MacDonald :
« Composing The Salutation I didn't want to write something which felt self-consciously modern. Rather I wanted to use the possibilities within electroacoustic music of saying something about the instrument, its music and its history. I started, then with a slow air which uses the instrument in a recognisable, characteristic way, and I also started to explore the kind of ornamentation which is traditionally associated with the clarsach. The electroacoustic part, in other words the recorded sounds which surround the live player, stem in part from recordings of the clarsach, often transformed. The other sounds come largely from recordings of the voice of Margaret Hughes of Anstruther, which I recorded in the Spring of 2000. She talks about how she worked as "a fisher quine" in the late 1930s in Lerwick. I was fascinated by the rhythms of her speech which seemed to be so musical, and it seemed natural to try to find a link between her oral history, and the aural tradition of the clarsach. Other sounds put this into a sound context - the harbour in Anstruther, the ticking of a grandfather clock, and the sea. The piece was commissioned by Catriona McKay who premiered it at the Edinburgh International Harp Festival in 2002. »

Sur le duo Strange Rainbow :
Catriona McKay, and Alistair MacDonald have been working with harp and live electronics since 2001. Since then they have been exploring live improvisation and have been building a programme of new works. Alistair MacDoanld, a leading electroacoustic composer uses custom software for laptop programming and performance with Catriona using new playing techniques on her ‘Starfish McKay’harp which has a unique tuning pattern.

Ecouter / acheter l'album "HARPONIUM electrosessions" (2020):



Autres liens vers des expérimentations du duo Strange Rainbow :

"salted with fire", live in Battlehill Woods, https://youtu.be/Av-yWDA5oy8
"Transformed into these lacy fiery fragments", improvised piece https://youtu.be/pXdJganiD0s
Album "when feathers appear" (2021) Lien bandcamp

Céline Hänni

Céline Hänni crée un univers dans lequel voix et harpe sont intimement liés. Elle explore l’improvisation vocale, la création, les partitions graphiques, les recherches sonores, faisant des allers-retours entre expérimental et mélodique. Une artiste à suivre !

Article dans le blog des Harpes Camac :
https://blog.camac-harps.com/fr/actualites/la-harpe-melusine/

Entretien

Tu parles de recherches expérimentales sur ta harpe, plutôt réalisées dans le passé. Qu'as-tu exploré, et dans quels contextes ? As-tu travaillé avec des compositeurs ? ou bien joues-tu de la harpe uniquement pour ton propre univers ?

Dès le début j’ai eu un rapport très ambivalent avec la harpe, j’adorais l’instrument mais j’avais peu d'affinité avec le répertoire traditionnel, Tournier et autres. Très tôt j’ai été attirée par la musique contemporaine pour explorer beaucoup plus toutes les possibilités de l’instrument. J’ai hésité aussi à me diriger vers la musique ancienne, dans laquelle on trouve également une multiplicité de pratiques et un rapport à l’improvisation.
Je faisais du chant lyrique en parallèle, et le chant a pris toute la place. J’ai laissé de côté la harpe, et avec la voix je suis partie dans la musique contemporaine, la création, l'exploration, une musique hyper expérimentale. C’est aussi avec la voix que je suis partie vers de jeunes compositeurs, Aperghis et toute la poésie sonore, de l’impro libre, des choses très bruitées, avec ou sans microphones, des partitions graphiques avec John Cage.
Quelques années après je suis revenue à la harpe avec une harpe électrique Camac, la DH36 amplifiée, c’est dommage je n’ai rien enregistré, je n’avais pas la notion de traces à ce moment-là. Après la harpe amplifiée j’ai eu envie d’un retour au son acoustique, de retrouver les qualités de résonance de l'acoustique, et de travailler avec le minimum d’effets. Je joue une Camac Mélusine qui a un son plein et chaud.

Peux-tu nous parler du projet que tu développes en ce moment, Orlando ?

Mon projet d’Orlando, des poèmes mis en musique, est venu par la voix. Il y a 3 ans j’ai eu envie d’un retour à quelque chose de plus mélodique, ce projet est assez peu contemporain, un peu vintage, mais en gardant quelques effets comme dans le morceau sur les abeilles où j’utilise le diapason sur les cordes, ainsi que 2 ou 3 effets de voix. Mais maintenant ce projet se développe avec davantage d’expérimental, comme le morceau dans lequel je joue avec l’archet et prépare la harpe avec des papiers dans les cordes, des pinces, pour obtenir un autre timbre. Orlando garde une structure classique mais avec introduction d’effets plus expérimentaux. J’ai voulu garder ce geste acoustique mais avec amplification. J’ai travaillé avec un ami ingé son pour restituer la chaleur du son acoustique, et j'accentue parfois les cordes graves avec des micros DPA que je place sur l’instrument, 2 micros sur la colonne de la harpe, des microcontacts sous la table pour avoir les attaques au niveau des aigus. J’essaie de retrouver en concert les sensations acoustiques que j’ai en travaillant chez moi. Je mets également des micros directement sur moi. Avec la microphonie je cherche à garder le plus de latitude possible ; j’ai fait une performance ou je jouais avec la harpe à l’envers, assise au pied de la harpe, il fallait que je puisse bouger.

Il y a des clichés sur la harpe celtique, je dis parfois par provocation que je joue de la harpe “celtique” ! C’est un instrument très connoté mais il y a plein de choses à faire. J’aimerais aller vers une "vraie" harpe celtique, avec le son celtique, aller vers l’exploration du son des cordes métalliques. Catriona McKay joue une harpe d’Ecosse, j’aimerais expérimenter avec ce timbre-là, creuser le timbre celtique, métal, mais avec une approche plus expérimentale.

Ton exploration de la harpe semble complètement liée à la voix ?

Oui c’est complètement lié. Même avec Orlando je n’ai pas de morceau harpe seule. Je pense beaucoup en termes de gestes sonores qui partent du corps, complètement en lien à la voix.  C’est ce qui me manquait avec la harpe amplifiée avec laquelle il y a peu d’incidence sur le son ; là c’est la corporalité qui va donner le timbre. Je fais aussi beaucoup de yoga, avec une attention au travail postural. La harpe est un instrument très particulier, avec cette asymétrie au niveau de la posture. C’est un travail intrinsèquement lié : le corps avec le rapport à l'instrument, au souffle et à la voix.

Projettes-tu de mettre sur le papier tes compos ?

Je n’ai pas de rapport à l’écrit, je suis très vite passée aux partitions graphiques, mais depuis des années j’ai complètement lâché les partitions, je fais tout à l’oral, je ne travaille plus avec partitions.  Mais pourquoi pas écrire si je reviens plus à un travail à la harpe !

Pourquoi avoir fait le choix de la harpe à leviers plutôt que la harpe à pédales ?

Je joue assez bas, j’adore avoir cette sensation d’entourer l’instrument. Quand je jouais de la harpe à pédales j’aimais les tables droites pour être plus proche de l’instrument. De même, ces sensations qu’on ressent quand on est si proche de l’instrument, ce n’est pas évident avec une amplifiée.  J’aime cette sensation d’être “dans” l'instrument, de faire corps avec l'instrument, que je ressens beaucoup plus avec la harpe à leviers qu’avec la grande harpe. Je joue pieds nus aussi, j’ai envie d’être une extension de l’instrument. J’ai utilisé aussi la troubadour, harpe très tout terrain avec laquelle j’ai joué dehors, dans les jardins, dans la neige !
J’ai fait d’autres explorations à la harpe à leviers, mais à part le morceau avec le diapason rien n’est encore enregistré. Mais maintenant je vais développer plein de nouvelles choses à la harpe, j’ai le désir de le faire !

www.celinehanni.ch



Et pour continuer...

Appel à découvrir et partager 

Faites-nous part de vos découvertes autour du répertoire contemporain pour harpe à leviers, vos infos, vos créations…

La popharpe

Des créations voient le jour pour les popharpes ! Des pièces à découvrir de Sébastien Béranger, Alex Nante, Damien Charron et Hélène Breschand.
https://popharpe.com/fr/

Vous trouverez notamment sur la plateforme des Signes de l’arc La Houle sans répit ni repos de Damien Charron, pour trio de popharpes.

La harpe électrique

Il n’y a qu’un pas de la harpe à leviers à la harpe électrique (électrique à leviers !). La harpe électrique fera l’objet d’une prochaine newsletter. En attendant vous pouvez vous initier à cet instrument grâce aux tutoriels conçus par Aurélie Barbé pour les Harpes Camac, les Tutos Bleus :




Contact

Rédaction : Laurence Bancaud
Mise en page web : Aurélie Barbé

Recherche traducteur

Nous aimerions traduire en anglais certains de nos articles, dossiers qui sont parus dans nos newsletters précédentes. Nous recherchons une personne qui aimerait participer à notre aventure et contribuer à la diffusion internationale du contenu harpistique et créatif !

Conctactez-nous ! lessignesdelarc@gmail.com

Retrouvez-nous sur le site : www.lessignesdelarc.org

Suivez Les signes de l'arc sur Facebook, YouTube et Flickr !