Présentations des oeuvres

Histoire de pas (1990) – Philippe Leroux

Durée : 1mn
Publisher : Éditions G. Billaudot (Paris)

Composée en 1990, Histoire de pas est un hommage discret au prélude de Claude Debussy Des pas sur la neige. Deux courts motifs, l’un de quarte et l’autre de tierce, tournent en boucles sur eux-mêmes, entrainant au passage quelques autres sons, au long de trois phrases. La note Mi, orient de la pièce, ouvre la première. Elle cède ensuite la place, puis finit par revenir pour conclure. Au fil des différentes phrases, le rythme dominé par une cellule composée d’une note brève suivie d’une longue (iambe) est gagné par un sentiment d’accélération, au cours duquel les boucles s’affolent. L’ensemble se stabilise alors sur trois accords en éventail, pour finir par le retour de la première boucle qui laisse le discours en suspens.

Lanterne magique (2008) – Hélène Breschand

Lanterne magique est une suite de petites fictions, à la manière d’un théâtre sonore, à interpréter avec un mélange de rigueur et d’invention, dans l’idée d’une re-création permanente, et permettant d’investir chaque pièce de sa propre imagination. À vous de jouer !

Lanterne magique is a series of short vignettes, akin to sound theater, to be performed with a mixture of precision and invention. It is meant as a permanent re-creation, each new performer adding his/her own imaginative contribution to the pieces. It’s your tur, now !

On frappe à la porte (2000) – Graciane Finzi

« On frappe à la porte » est une petite pièce pour harpe celtique qui fait appel à plusieurs paramètres pédagogiques et ludiques et adressée à de jeunes harpistes de cycle 1.
Tout d’abord, l’accord de départ de la harpe est particulier et change dans le déroulement de la pièce qui est atonale.
Le (la) jeune interprète doit donc gérer en premier lieu le changement des clapets.
Puis, comme le titre l’indique, on frappe sur la caisse de résonance avec des rythmes très précis ce qui demande une bonne organisation et le caractère légèrement film policier que donne cet effet amuse beaucoup les jeunes harpistes !
Un passage libre rythmiquement, non mesuré, va développer l’imagination d’interprétation.
Et enfin, les différents modes de jeu ont pour fonction d’appréhender l’écoute des sons selon la façon de les jouer.
Une légende des signes utilisés et le mode d’accord de la harpe sont indiqués en début de partition.
[Graciane Finzi]

Rodomont (à la bataille de Paris) (2000) – Marie-Hélène Fournier

Rodomont s’inscrit dans une démarche d’écriture que je mène de longue date : écrire pour tous les niveaux de compétence instrumentale, sans rupture de style. En effet, il est pour moi de première importance qu’une musique, quelle que soit son époque et son origine culturelle, soit pratiquée et partagée dès le début de son expérience de musicien, et par voie de conséquence, de spectateur ou d’auditeur. Pour prendre une image, c’est un peu comme pour la pratique des langues : un débutant, enfant ou non, commencera par dire quelques mots, exprimer quelques notions ; puis il agrandira son territoire des « saveurs », son nuancier, et il s’en appropriera des pans entiers. Ainsi, musiques ou langues s’apprivoisent doucement, pas à pas, découvrant différents paysages, différents angles de vues, différentes échelles de vue et de perception.
Oui, mais le titre, Rodomont ? Rodomont est le nom d’un des très nombreux personnages du Roland furieux de l’Arioste. On rencontre ces personnages de-ci de-là dans mon catalogue. Je me souviens avoir choisi ce personnage pour cette pièce afin d’illustrer la notion d’élan et d’assaut, d’assauts et de chocs (et leurs conséquences), notions expressément présentes dans l’écriture de cette partition.
[Marie-Hélène Fournier]

Histoire furtive (1990) – Philippe Leroux

Durée : 1mn 25s

Des notes répétées, séparées par des figures mélodiques, rythment le temps de cette courte pièce. Ces répétitions s’organisent en une dialectique entre des impulsions de notes rapides et une pulsation plus lente se présentant sous la forme d’intervalles ou d’accords. Ces deux façons de concevoir le temps musical sont présentées d’abord chacune à leur tour, puis la pulsation prend le dessus en accroissant sa densité, avant d’être progressivement filtrée. Suit une superposition impulsions-pulsation qui se conclut par un retour des figures mélodiques du début de la pièce.
[Philippe Leroux]

Microludes (2004) – Gilles Schuehmacher

Sources :
► Référence aux Microludes de György Kurtag, 12 pièces brèves pour quatuor à cordes.
► Référence aux Mikrokosmos de Béla Bartok, courtes pièces pour piano à destination pédagogique.

Éléments d’analyse et d’interprétation :

Au niveau structurel, il y a un lien entre les pièces I, III et V d’une part, et les pièces II et IV d’autre part.

I, III et V se déroulent lentement dans une même atmosphère calme et contemplative. Les courtes phrases doivent être bien chantées et jouées souplement, sans marquer la pulsation. Pendant les points d’orgue, écoutons bien les résonances : le compositeur nous invite à « profiter des sons que l’on produit ».
Gilles Schuehmacher s’intéresse beaucoup à la voix et a écrit plusieurs œuvres pour chant, notamment des pièces pour voix et harpe :
Denudare, ode de Pierre Torreilles pour soprano et harpe (2002), Les éditions musicales contemporaines.
An die Musik pour soprano, mezzo-soprano et harpe (2008)
Dans ses œuvres instrumentales, ici à la harpe, il faut penser aussi à la voix et chercher à phraser les lignes mélodiques, à les faire chanter, et penser aussi à la direction des phrases.

II et IV sont des mouvements rapides qui explorent des effets de timbre, de brouillard sonore. Il faut chercher un jeu très contrasté, bien faire ressortir les nuances, les notes accentuées.
On peut imaginer ces pièces comme des peintures dans lesquelles on ferait ressortir des images. Les notes accentuées sont à mettre en relief, comme des touches de couleurs vives rehausseraient un tableau.

Pour être facilement exécutés par de jeunes harpistes, ces Microludes sont élaborés à partir d’un même « réservoir » de notes ; il y a seulement quelques changements de pédales dans les pièces IV et V. Le compositeur cherche de nombreuses manières d’exploiter ce matériau réduit pour, à chaque phrase, donner l’impression d’entendre quelque chose de nouveau.
Les nuances sont indiquées très précisément, souvent à la note, de pp à sffz avec des accents. Il est important de définir sa propre gradation des nuances pour bien faire ressortir les différents plans sonores.
[Laurence Bancaud]

Trois études pour harpe (1999) – Gilles Carré

Première étude
La première étude met en opposition une proposition mesurée (1er système) et une autre non mesurée (2ème système). L’une et l’autre alternent au cours de l’étude.
Les éléments exposés dans le 1er système se superposent dans le 3ème, et sont enfin repris (deux fois plus vite) dans le 5ème. La symétrie de la basse (pédale de do/si#) est à noter (non rétrogradable), sur une note, mais deux cordes ! (saveur de la harpe).
La cellule mélodique annoncée mesures 4 et 5 (lab, sol#, ré#, lab), dont vous noterez également la symétrie, est développée par des changements d’altérations. Chacune de ces trois notes sera entendue sous sa forme naturelle, # et b, transformant le simple intervalle de quinte initial en un véritable petit chant.
La deuxième proposition se présente comme une cadence, donc plus libre dans l’agencement du temps et centrée sur quelques accords, dont l’étoffe et les résonances guideront l’interprétation.
Certains éléments se déplacent d’une proposition vers l’autre, ainsi le do grave (8va bassa) apparaît de façon espacée, comme pour faire sonner un autre temps, indépendant.

Deuxième étude
Cette « récréation » utilise la harpe de façon périphérique.
Elle est constituée de dix éléments gestuels, très caractérisés et distincts :
1/ un son sifflé (hauteur ad lib, suivant l’inflexion de la flèche), 2/ un sextolet frappé à deux doigts sur la table (doux), 3/ un glissandi de pédale sur la grave, 4/ un glissando vif produit avec la clef sur une corde boyau, 5/ un la chanté dans la caisse de résonance, 6/ un « frappé/zingué » simultané, 7/ quatre sol# noires en son xylo, 8/ deux harmoniques en relation de quinte, 9/ un trémolo joué à deux doigts sur do (6 temps), 10/ les notes mi, ré# et réb, jouées dans l’extrême aigu, complétant l’énoncé du total chromatique.
Entrecoupés de silences inégaux, ces éléments se superposent, s’entrechoquent, se succèdent de façon variée et inattendue.
[Gilles Carré – Bulletin de l’AIH printemps-été 2007]

Polyèdre (2015) – Guilherme Carvalho

Cette courte pièce pour harpe a été écrite pour la première édition du Concours des Lyres et des Arts à Paris. Elle est destinée à des harpistes étudiant(e)s de niveau Moyen 1.
J’ai pensé cette pièce comme une sorte de dessin : de la même manière que l’on pourrait construire un polyèdre, pour le voir, avec des droites et des surfaces, il s’agit ici de dessiner dans l’espace musical un polyèdre à entendre. Cette musique est faite presque toute de lignes plus ou moins épaisses, plus ou moins longues, qui font des angles parfois inattendus entre elles. On voit parfois une surface, ou on fait tourner l’objet pour le regarder d’un autre côté… et puis encore des lignes droites.
De quel polyèdre s’agit-il ? On ne sait pas. Peut-être qu’il n’a même pas de nom, celui-ci, avec toutes ces arêtes et si peu de faces. Mais tous les polyèdres (lorsqu’ils sont sages) ont quelque chose en commun… On posera la question à Euler.

This short piece for harp was written for the first edition of the Concours des Lyres et des Arts in Paris. It is aimed at students at the Moyen 1 level.
I thought this piece sort of like a drawing : in the same way we can build a polyhedron, in order to see it, with straight lines and surfaces, the idea here is to draw a polyhedron in musical space in order to hear it. This music is almost entirely made of lines, thicker ot thinner, shorter or longer, at sometimes unexpected angles. We sometimes see a surface, or we turn the object around to look at it from a different side… and then more straight lines.
Which polyhedron is it ? We don’t know. Maybe this one doesn’t even have a name, what with all the edges and so few faces. But all polyhedra (when they are well-behaved) have something in common… We should ask Euler about it.

[Guilherme Carvalho]

Deux Inventions (2005) – Gilles Schuehmacher

Sources :
► Référence au compositeur Pierre Boulez qui compare « temps lisse » et « temps strié ». La première Invention se situerait dans un « temps lisse » avec son tempo lent, ses longues phrases étirées ; la deuxième Invention opposerait « temps lisse » (les trilles) et « temps strié » (les passages rythmiques).

► Référence à Emmanuel Nunes, professeur de composition de Gilles Schuehmacher. On retrouve souvent dans les œuvres de Nunes la tierce mi-sol#. En guise de clin d’œil à l’œuvre de Nunes, la première Invention est entièrement construite autour de ces deux notes, mi et sol#. Quelques citations de cette tierce mi-sol# surgissent également dans la deuxième Invention aux mesures 25, 26, 28, 31.

► Le rapport à la voix, au lyrisme. Gilles Schuehmacher a beaucoup écrit pour la voix, notamment des pièces pour voix et harpe :
Denudare, ode de Pierre Torreilles pour soprano et harpe (2002), Les éditions musicales contemporaines.
An die Musik pour soprano, mezzo-soprano et harpe (2008)
Dans la première Invention, il faut chercher à phraser les lignes mélodiques, à les faire chanter, et penser à la direction des phrases.

Les nuances sont indiquées très précisément, souvent à la note, de ppp à fff avec des accents. Il est important de définir sa propre gradation des nuances pour bien faire ressortir les différents plans sonores.

Éléments d’analyse et d’interprétation

Invention I

mouvement lent « lento et sereno »
Cette première Invention est structurée autour de l’intervalle de tierce majeure mi-sol# ; le compositeur cherche de nombreuses manières d’exploiter ce matériau très réduit pour donner sans cesse l’impression d’entendre quelque chose de nouveau.
Les cinq premières mesures n’utilisent que ces deux notes mi et sol#. A la mes. 6 apparaît une nouvelle note : la# (ou sib), puis mes.8 le fa etc. Chaque nouvelle note autre que mi ou sol# qui apparaît est un événement dans le discours musical : on peut mettre en relief ces notes en les accentuant ou en les appuyant plus particulièrement. Ces nouvelles notes mettent la musique en mouvement.

Mes.10 à 12, une longue phrase se déploie ; elle doit être bien chantée (penser à la voix) jusqu’au mi grave vers lequel elle se dirige. Il faut faire ressortir ce mi d’arrivée.

On peut imaginer la pièce comme une peinture dans laquelle on voudrait faire ressortir des images. Certaines notes accentuées sont à mettre en relief, comme des touches de couleurs vives rehausseraient un tableau.

A partir de la mes.13, les notes sont plus accentuées, dans des nuances ff, mais il faut faire attention à ne pas agiter le discours musical ; on peut chercher au contraire à donner plus d’ampleur aux phrases.

Dans les mes.18 à 23, les accords résonnent comme des cloches. Il faut bien faire ressortir le dégradé de nuances.

D’une manière générale, cette première Invention se déroule lentement, adopte un caractère contemplatif tout en étant écrite très précisément au niveau du rythme. Il s’agit d’une étude sur le temps, en travaillant sur les oppositions entre notes courtes et notes longues.
Sauf indication spécifique, il ne faut pas étouffer entre les phrases, mais laisser vibrer afin de lier les événements les uns aux autres. Le compositeur conseille d’écouter les résonances et de « profiter des sons que l’on produit ».

Invention II

Mouvement rapide « fluido »
Des phrases tout en trilles contrastent avec des passages très rythmiques : on pense à l’opposition entre « temps lisse » et « temps strié » dont parle Boulez dans ses écrits.
Les changements de pédales dans les trilles du début de la pièce doivent être effectués très précisément suivant le rythme indiqué : ces changements de couleur donnent une dynamique et structurent le texte.
Les passages rythmiques sont écrits pour la plupart ff avec accent : ils doivent être martelés, percussifs, et joués avec une qualité de son bien égale.
[Laurence Bancaud]

Hôi Ký (2014) – Tôn-Thât Tiêt

Tôn-Thât Tiêt naît en 1933 au Viet Nam, dans l’ancienne capitale impériale, Hué, et vit en France depuis 1958.
Hôi Ký ou « Mémoire »
Mémoire d’une enfance bercée par le chant des batelières sur la très poétique Rivière des Parfums à Hué.
Mémoire d’une jeunesse nourrie de spiritualités orientales, recherche d’une harmonie avec la nature, de sérénité et de calme intérieur à travers la méditation.
Mémoire du temps, un temps suspendu, étiré vers l’infini, proche du rythme de l’univers.
Mémoire d’une vie à Paris, consacrée à la musique, à la composition, un catalogue de plus de cent œuvres, de nombreuses pièces pour harpe.
Héritière de ces mémoires et sources d’inspiration asiatiques et occidentales, Hôi Ký développe une harmonie atonale autour d’une échelle de notes issue d’un mode indien, un raga, et de deux notes principales, Do et Fa, qui symbolisent les éléments Feu et Terre selon la théorie des Cinq éléments dans la philosophie chinoise. Les groupes de notes convergent toujours vers l’un ou l’autre de ces deux éléments.
Musique au bord du silence, ou parfois légèrement percussive, d’une écriture tour à tour fluide ou rythmique, Hôi Ký révèlera aussi toutes les subtilités de ses couleurs sonores par une lecture très fine des nuances indiquées.
[Laurence Bancaud]

Laurence Bancaud, Tôn-Thât Tiêt : Dialogue avec la nature, Cig’Art édition, 2010.

Tön-Thât Tiêt was born in Vietnam in 1933, in the former imperial capital, Hué, and has lived in France since 1958.
Hôi Ký or “Memory”
Memories of a childhood basked in the chanting of boatwomen on the very poetic Perfume River in Hué.
Memories of a youth infused with Eastern spirituality, seeking harmony with nature, serenity and inner calm through meditation.
Memories of time, a suspended time, stretching towards infinity, close to the rhythm of the universe.
Memories of a life in Paris, dedicated to music and composition, resulting in a catalog of over a hundred works, including numerous pieces for harp.
Having inherited these Asian and Western memories and sources of inspiration, Hôi Ký has devised an atonal harmony around a scale of notes derived from an Indian mode, a raga, and two main notes, C and F, which symbolize the elements of Fire and Earth according to the Five elements theory in Chinese philosophy. The groups of notes always converge towards either of these two elements.
Music on the edge of silence, sometimes slightly percussive, alternately fluid and rhythmic in the writing, Hôi Ký will also reveal the full subtlety of its tone colors through her very subtle rendering of the indicated nuances.